Hugo Villaspasa, dessin 2008

vendredi 26 février 2010

Du téléphone portable, de la télévision et d’autres dispositifs

Quel rapport y a-t-il entre un téléphone portable, un discours, une cigarette, l’agriculture, un ordinateur, des lois et des mesures de police ? Selon le philosophe italien Giorgio Agamben, ce sont tous des dispositifs. Mais qu’est-ce qu’un dispositif ? Et quelle nécessité avons-nous de nous interroger avec urgence sur les dispositifs ?
Qu'est-ce qu'un dispositif ?
de Giorgio Agamben
éd. Rivages Poche, Paris, 2007.

samedi 20 février 2010

Gagner sa vie

Qu'est-ce que gagner sa vie ? On peut comprendre cette expression de manière triviale et consumériste. Gagner sa vie, c'est faire de l'argent, honnêtement ou non, pour s'assurer la survie, le confort voire le grand luxe. Mais on peut aussi attacher à cette expression un tout autre sens, plus noble et moins cynique. Gagner sa vie, c'est assurer sa dignité, résister à l'absurde de la condition inhumaine.
La nouvelle de Stefan Zweig Le joueur d'échec nous livre un aperçu de ces deux manières de comprendre l'expression et finalement d'envisager l'existence à travers ses deux personnages principaux Mirko Czentovic et Docteur B.
Un livre passionnant, rédigé pendant la seconde guerre mondiale, qui met aussi en garde contre toute forme de déraison, y compris celle d'une certaine raison.
Le joueur d'échec
de Stefan Zweig
éd. Le livre de poche, 1991.
Ecrite en 1941, cette nouvelle de l'écrivain autrichien est de bout en bout captivante. Tel le héros, le Docteur B., qui échappe à l'angoisse du néant, au vide de son isolement radical par un compagnon tout à la fois inespéré et pour un temps au moins salutaire, le lecteur trouvera dans ce court récit un excellent moyen pour fuir l'ennui. Et c'est passionnément attaché à son objet, comme M.B. au jeu d'échec, qu'il découvrira les aspects fascinants et palpitants de cet écrit.
Tout oppose les deux personnages principaux : Mirko Czentovic, champion mondial des échecs, et le Docteur B., simple anonyme apparemment étranger à cet univers du roi des jeux. D'un côté, le sentiment maladif d'infériorité et la défense tactique du repli à l'égard d'autrui n'ont d'égale que "l'imperturbable arrogance du professionnel"; de l'autre, l'ouverture avenante et polie côtoie "la modestie presque excessive " de "l'amateur". D'origine ouvrière, le champion yougoslave présente robustesse et rudesse physique; de milieu aisé et privilégié, l'avocat viennois, conseiller juridique des grands couvents et de la famille impériale apparaît au narrateur comme affaibli, prématurément vieilli et de santé fragile. Alors que l'un est avide de gloire, mondialement connu et cupide, l'autre se veut discret et désintéressé. Ce qui étonne surtout et retient toute notre attention comme celle du narrateur, c'est la paradoxale inculture, la bêtise et la lenteur de réflexion (pour un champion du monde d'échec!) du premier aux antipodes de l'esprit vif et raffiné du second. C'est aussi la paresse, l'apathie et l'indifférence opposée à la curiosité intellectuelle et au courage.
Le récit se concentre sur cette opposition des esprits, des intelligences et des caractères. Par la méthode du " récit enchâssé ", Stefan Zweig nous découvre ainsi d'abord l'histoire de Czentovic: la stupéfiante ascension de l'âne de Balaam. Puis, en un deuxième volet, la terrifiante descente aux enfers de Dr B., à la fois épreuve presque indicible orchestrée par la Gestapo et effort désespéré aux conséquences désastreuses de résistance à la destruction. C'est enfin par la rencontre de ces deux destins que s'achève la nouvelle: confrontation des deux individus à bord du bateau qui les emmène de New York à Buenos-Aires.
La rencontre est fortuite, mais malgré les personnalités si tranchées, un terrain commun se présente aux deux protagonistes. Ce point de rencontre, c'est une monomanie, celle du jeu d'échecs. L'un des aspects captivant de cette œuvre est précisément l'effort déployé par le narrateur, menant son enquête psycho-policère, pour tenter de percer le double mystère des fabuleuses vies de Czentovic et de M.B. : comment peut-on devenir champion du monde d'échecs quand on est aussi rustre, si peu imaginatif et audacieux que le premier ? Comment tenir tête et faire au moins jeu égal avec ce même champion quand on prétend n'être qu'un amateur et avoir joué pour la dernière fois il y a plus de vingt ans ? L'auteur manifeste à la fois son admiration pour ce jeu et son étonnement quant à la dimension maniaque qu'il revêt chez les deux personnages. Pourtant, c'est encore finalement la différence qui tranche car les manières respectives d'aborder ce jeu ne se déclinent pas à l'identique. C. en fait son métier et sans passion, froidement, mais en même temps possédé par une seule idée, il devient " ce singulier spécimen de développement intellectuel unilatéral ". Il y a là comme de l'anormalité (consacrer sa vie à ces 64 cases et 32 pièces en bois) mais inscrite dans la banalité ordinaire. Chez B., au contraire, la rencontre est à la fois passionnée et extraordinaire. Les circonstances extrêmes d'isolement et de déconstruction de la personnalité mis en œuvre par les nazis expliquent ici cet attachement exclusif au jeu d'échec et à sa pratique dite " à l'aveugle ". C'est pour B. une question de vie ou de mort : gagner sa vie ici aussi, mais autrement, et finalement se montrer plus humain en cette situation inhumaine que C. lui-même dans des circonstances normales de vie. Mais, en menant B. à la folie, la passion de l'échiquier mène elle aussi à l'anormalité (la schizophrénie) mettant en péril l'équilibre psychique de toute une vie.
Au final, Stefan Zweig ne cherche-t-il pas dans Le Joueur d'échec à dénoncer l'usage purement instrumental et destructeur de la raison humaine lorsque, au service de l'horreur nazie aussi bien que d'un simple jeu tantôt devenu trop "sérieux" (une manie à visée lucrative et accomplie de façon cynique et quasi mécanique), tantôt dévoyé par les circonstances exceptionnelles de son déroulement, celle-ci évolue aveuglément, déraisonnablement, sans maîtrise d'elle-même et sans égard à la légitimité des fins qu'elle poursuit ? N'exprime-t-il pas aussi un certain pessimisme en constatant que c'est le "méchant" qui l'emporte sur le "bon" qui, dans une société mise à mal par le National-socialisme et la volonté barbare, a subi la torture morale, la violence extrême ? N'est-ce pas en dernier lieu à ce supplément d'âme, si absent du monde, et qui devrait pourtant accompagner les affaires humaines, qu'en appelle implicitement l'auteur ?

« la question de la sortie du capitalisme n’a jamais été plus actuelle. »

Telle est l'affirmation d'André Gorz dans Ecologica.
Peut-on échapper à l'aliénation capitaliste ? En quoi consiste cette aliénation? Quelle sortie et quelles solutions envisager? Autant de questions examinées dans ce recueil d'articles dont la lecture s'impose plus que jamais. Voir page ci-contre.

André Gorz
Ecologica
éd.Galilée, 2008

jeudi 18 février 2010

Apocalypse et consolation

Peut-on se laisser tenter par l'isolement , loin du monde, au plus près de la nature ? Telle est la tentation de Démocrite dont nous parle le livre de Michel Onfray, Recours aux forêts.Voir la page ci-contre

Michel Onfray
Recours aux forêts. La tentation de Démocrite
éd.Galilée, 2009.

mercredi 17 février 2010

« Qui ne commence pas par l’amour...»

« Qui ne commence pas par l’amour ne saura jamais ce que c’est que la philosophie. » Platon
L'amour a fait et fait encore couler beaucoup d'encre. Mais quelle est sa nature? L'amour se résume-t-il au hasard d'une rencontre ou est-il une épreuve exigeant travail et patience? Quel rapport entre le sexe et l'amour? L'amour, l'art, la politique?
Parmi les publications les plus récentes, on trouve l'entretien d'Alain Badiou avec Nicolas Truong.

Eloge de l’amour
Alain Badiou avec Nicolas Truong
Ed. Flammarion, 2009-12-29

dimanche 14 février 2010

L'illusion d'être ensemble


"la communauté véritable reste à créer."
Raoul Vaneigem, Traité de savoir-vivre à l’usage des jeunes générations

Disciples de la lumière


"[…] j’aime les hommes parce qu’ils sont disciples de la lumière, et je me réjouis de la clarté qui est dans leurs yeux, quand ils connaissent et découvrent, les infatigables connaisseurs et découvreurs."
Nietzsche, Le voyageur et son ombre, in Humain trop humain.

«l’ombre est nécessaire autant que la lumière»


Quel regard porter sur l'ombre ? Quelle place lui accorder dans nos vies et nos pensées ? Faut-il l'ignorer pour une adoration sans limite de la seule lumière, la fuir comme la peste, le symbole de l'incarcération et des dominations en tout genre ou bien savoir l'accueillir et l'aimer en elle-même jusqu'à en faire un ingrédient du beau ? Questions qui surgissent à la lecture de Tanizaki l'oriental et son Eloge de l'ombre. Voir la page en lien.
Nietzsche, tout penseur du "Grand midi" qu'il est, ne détient-il pas la réponse ?
« […] j’aime l’ombre comme j’aime la lumière. Pour qu’il y ait beauté du visage, clarté de la parole, bonté et fermeté du caractère, l’ombre est nécessaire autant que la lumière. Ce ne sont pas des adversaires : elles se tiennent plutôt amicalement par la main, et quand la lumière disparaît, l’ombre s’échappe à sa suite. »
Nietzsche, Le voyageur et son ombre, in Humain trop humain.